dimanche 31 décembre 2017

La nuit remue, le jour aussi !


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© Couv' de Clémentine Mélois, artiste plasticienne.


Bonne Année à toutes et à tous.

On se retrouve en 2018
pour de nouvelles aventures poétiques !


Née en 1980, Clémentine Mélois, artiste plasticienne, a publié deux ouvrages chez Grasset, notamment Cent titres (2014) où elle détourne, avec poésie et humour, les grands titres de la littérature « mondiale ». Elle officie également depuis quelques années au sein de l'émission « Des Papous dans la tête » sur France Cul'. Elle OULIPOTE aussi depuis juin 2017.

mardi 19 décembre 2017

Denis Grozdanovitch né en 1946

À Thomas Vinau et Jérôme Leroy.

« Quand la balle arrive, pour bien la renvoyer, il faut la prendre au centre du tamis. En poésie, c'est pareil. Si vous vous trompez sur le détail significatif, ça ne résonne pas. »



Denis Grozdanovitch
 Denis Grozdanovitch tout à gauche
© Tennis Club du 16e, Paris, 1978.

De
Denis Grozdanovitch, né en 1946, ex-tennisman de haut niveau dans les années 70, j'avais apprécié son unique recueil de poésie : La Faculté des choses paru au Castor Astral en 2008 et L'art difficile de ne presque rien faire publié ensuite en Folio Gallimard.

En 2010, j'eus d'ailleurs la chance de le rencontrer à la Villa Marguerite-Yourcenar alors qu'il y effectuait une résidence. Nous avions parlé de l'écriture de François de Cornière (dont il se sentait proche). Et pourtant me confia-t-il, à l'époque, l'écrivain, Bertrand Visage, avait malencontreusement qualifié François de Cornière de « poète de peu », avec d'autres auteurs appartenant, eux aussi, au courant de « la poésie du quotidien » ou « du vécu ». Or, aujourd'hui, ces poètes-là demeurent toujours aussi importants à mes yeux tels Georges L. Godeau (1921-1999) et Gabriel Cousin (1918-2010).

Voici quelques extraits de ces deux poètes de « la vie ordinaire » pour parodier Georges Perros, moins connus que François de Cornière, mais qui le méritent autant  :

VIS-À-VIS

    Lundi, j'arpente la rive, je m'assois sur ma boîte à pêche et je fume des cigarettes, quand j'en ai. L'homme d'en face qui ouvre ses volets dit à sa femme : « Il est déjà là » puis, par bonté d'âme, il me salue. Parfois, je réponds. Chômeur, il faut bien que je sois quelque part et, ici, derrière le buisson, personne ne me voit. Sauf lui. C'est un vieux qui attend le facteur, l'herbe à sortir, la mort. En fait, c'est moi qui gagne.

*

MONTER LA GRUE 

    Monter la grue sur un nouveau chantier est ton plaisir. Je porte les barres comme un lanceur de javelot, je les lève et les tiens comme un équilibriste et j'ai encore le temps de caler mon béret à cause du soleil.

     Il gèle dur mais je préfère cent fois ma place à celle des gens de bureau qui nous regardent travailler derrière leurs vitres. Ils sont enfumés. Je parie qu'ils ont les pieds froids. Moi je respire à pleins poumons et marche sur la braise.

*

VÉRONIQUE

    Menue, elle arrive en moto, elle enlève un casque et rit de nos yeux ronds. Elle vient à l'hôtel pour nous conduire chez elle. Elle roule devant, droite sur le monstre. Un moment, elle fait signe et s'arrête dans une vallée sauvage. Sa maison dans la terre luit. Comme sa fille au cou de son mari. L'amour habite là.

*

« UN JOUR,... »

    Un jour, dans le journal, j'ai lu un poème signé Autin-Grenier. J'ai eu un frisson. Rare.

    Plus tard, j'ai traversé la France et, au bout, un champ d'herbe. Il était là. En trinquant, il m'offrit un livre. Le même qu'il avait envoyé à son voisin Char. Resté sans réponse.

    Le lendemain, je dînais chez Char, je lui demandai ses raisons. Il n'écrivait plus, mais il se souvenait.

    Depuis, chez moi, quand je reçois la N.R.F., je cours au sommaire. Si j'y trouve Autin-Grenier, je passe une bonne journée.

*
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Georges L. Godeau, extraits de La vie est passée (poèmes inédits de l'auteur en volumes, regroupés par Georges Cathalo), le dé bleu, 2002, épuisé.


                                      LA NAISSANCE

    Trois fois trois jours la cloche des douleurs t'éveilla et ton visage prit la couleur qui m'avertissait. Toute ta chair se hâtait vers ce dernier travail.


    L'éternel miracle était encore une fois à notre porte.

    La grande poussée victorieuse libéra le poisson tout luisant de sa mère. Il était là, dangereux à tenir, et nous ne savions pas s'il était déjà lui ou encore nous.

    C'est alors que nos yeux se reconnurent. Nous échangeâmes nos joies d'avoir mené la tâche, nos vigueurs d'avoir résisté à d'autres tentations, nos confiances de nous connaître.

gerard-cousin-derober-le-feu    Notre poisson restait là, endormi, après le grand effort de ses poumons et nous ne savions pas encore si son âme était arrivée.

                                                         *

                                 LA GRANDE LIBRAIRIE 

    Après avoir hésité longtemps, j'avais choisi la plus grande pour être moins remarqué.

    Jeune ouvrier, il m'avait fallu tant de courage pour oser entrer.

    Comme un voleur, j'achetais un premier livre au rayon des occasions.

    Je dérobais le feu.

                                                           *

Gabriel Cousin, extraits de son anthologie, Dérober le feu (anthologie composée par Michel Baglin), le dé bleu, 1998, épuisé.

mercredi 13 décembre 2017

Daniel Biga, « big gars » en poésie depuis bientôt 50 ans


Bernard Delvaille : 

« Il faut lire Daniel Biga, l’emporter dans sa poche… comme on emporte son passeport… Ses livres sont un passeport poétique, pour la jeunesse, pour l’émerveillement, pour la révolte, pour l’innocence, pour l’exil… » 
                                                                                   « Biga, poète actuel » in Combat, juillet 1972.

   
               CAPITAINE DES MYRTILLES
                   (disait Emerson de Thoreau)


et moi aussi
j'ai été huissier des chants
appariteur des couleurs
berger d'enfants
et instituteur des caprins et ovins
j'ai été ingénieur des bétons et bitumes
manœuvre des dossiers et paperasses
j'ai eu une chaire associée de docteur du
     cœur  
et de pharmacien des âmes
mais c'est toujours jardinier de fourmis et
      scarabées
brocanteur des mûres et chanterelles
troisième classe des eaux et forêts
que j'ai été parfaitement à l'aise
comme le gardon dans son élément
car il n'y a pas un paysage pas une vie
     végétale
pas une plante au monde
dont je ne me sois jamais senti l'étranger

mais que dirai-je de l'homme ?
 
Extrait de Stations du chemin (Poésies 1983-1987), le dé bleu, 1990, repris dans Capitaine des Myrtilles, le dé bleu/Cadex, coll. le farfadet bleu, 2003.


L'Amour d'Amirat Biga (édition originale,1984)
Né à Nice en 1940, Daniel Biga est écrivain et peintre.
Depuis le fracassant Oiseaux mohicans (1966), il a publié plus d'une trentaine d'ouvrages en poésie et en prose.

Dernières publications :

- Octobre : journal tenu en 1968, suivi d'un entretien avec l'auteur, éd. Unes, rééd. octobre 2017, 19 €.
- Le sentier qui serpente, Tarabuste, 2015, 12 €.
- Alimentation générale, éd. Unes, 2014, 16 €.

- L'Amour d'Amirat suivi des 3 premiers recueils de l'auteur, Le cherche midi, rééd. 2013, 19,50 €.
- La Séparation, éd. Gros Textes, 2013, 10 €. 
- Bienvenue à l’Athanée, éd. L’Amourier, 2012, 13 €.
- La musique de l'Afrique est en nous : texte Daniel Biga, musique Alex Grillo, Césaré, 2007 - Grand Prix de l'Académie Charles Cros, 12 €.

Daniel Biga, le chant des retrouvailles, interview par François-Xavier Farine, revue Décharge n°122, juin 2004.

mardi 5 décembre 2017

Gens du Nord de Geoffroy Deffrennes

gens du nord geoffroy deffrennes
HD Ateliers henry dougier, coll. Lignes de vie d'un peuple, 2017
14 Euros


Geoffroy Deffrennes, ex-reporter à La Voix du Nord, dresse les portraits sensibles des nouveaux acteurs et/ou militants locaux qui dynamisent le Nord, d’un point de vue culturel, associatif ou entrepreunarial, en gardant au cœur les valeurs d’accueil et de solidarité des habitants des Hauts-de-France.
24 passionnants acteurs de la région interviewés racontent leurs parcours de vie et d’engagement. Parmi eux, citons Cédric Bacqueville, jeune galeriste lillois qui rayonne jusqu'à Paris et Bruxelles, Olivier Conan et son festival de musiques actuelles « Les Nuits Secrètes » d’Aulnoye-Aymeries, Dominique Tourte et ses éditions Invenit qui s’emparent désormais du numérique, Philippe Lamblin, homme multi-casquettes, instigateur du meeting d’athlétisme international de Liévin ou encore Christian Salomé et son association « L’Auberge des Migrants » qui organise des deux côtés de la Manche, avec ses homologues anglais, le quotidien des réfugiés... Mais il faudrait presque toutes et tous les citer car chacune et chacun d'entre eux contribuent à leur manière à redorer l'image du Nord-Pas-de-Calais, région finalement plus innovante et inventive que ce que l'on croie...

Un livre enthousiasmant.